« Dos à Dos »
Le corps nu est dans l’art une récurrence de toutes les disciplines et couvre les murs de nos musées et expositions depuis des décennies… Le dos est chose présente dans les odalisques et autre, mais on ne pense pas au côté des modèles vivantes et à leur perception…
Cette série est née d’une petite boutade de modèle me disant : “Je ne me suis jamais vraiment vu de dos ou alors à moitié…”.
En effet, se voir totalement est difficile et nécessite contorsions et ou reflets de glaces. Dos et fesses prennent dès lors une autre dimension quand la vision est celle de l’auteur qui permet de voir son physique dans son intégralité.
Depuis ce début de travail j’ai eu l’occasion de photographier 3 500 dos féminins ou masculins. Cette exposition est le choix de ce qui ont eu une vraie utilité personnelle pour les modèles et leur perception de corps. Des prises de vue simples en noir et blanc dans des décors ou isolées, esthétiques ou non…
Et une série pour laquelle plusieurs artistes sont venus apposer leur talents sur mes tirages pour prolonger le plaisir de vous offrir une vision multiples et pas uniquement photographique.
Natacha Est Gauchère et Guillaume Caron et bien d’autres ont donc accepté de faire leurs modifications sur des tirages expurgés de ma série entreprise il y a 7 ans.
On est dos à dos, on tourne le dos on dit des choses avec ou on courbe le dos… Toutes ces expressions bien françaises lourdes de sens révèlent aussi les intentions de ma série et les résultats que vous verrez ici présentées pour la première fois.
Dubord déborde. Il déborde d’idées. Des idées qui le dépassent et qui s’envolent dans les espaces d’irréels. Marc Dubord ne sait pas plus que nous, pourquoi les choses sont ce qu’elles sont ; alors il cherche des fragments de réponses dans les malles de ses souvenirs, dans les greniers de l’Histoire.
Petite ou grande histoire, commérages ou confidences, comme une psychanalyse de sa propre fantaisie grimaçante, on voit réapparaître sur ses photos la trame de ses cauchemars récurrents. Dans tous ce fatras de personnages abracadabrantesques composé en amalgame façon Henri Alekan surréaliste ou Jan Saudek sur Photoshop, on ne sait plus s’il s’agit de fêtes païennes ou de Carnaval des Fous.
On est dans le Nord sous les nuages, ou dans l’atelier d’un Brueghel l’ancien qui jouerait avec les tissus en transparence ; on voit du cuir, du skaï ou du velours, mais aussi les estampilles et les papiers peints, un monde fantasque / fantastique.
Marc Dubord agit de façon empirique et méthodique à la fois. Il fait semblant de ne pas faire exprès, comme s’il s’amusait à se tromper le dogme. Il désobéit pour satisfaire un caprice anarchiste autant qu’il s’amuse à faire croire que rien n’est jamais sérieux. Pas plus la Mort que l’Amour , pas plus le Sexe que la famille, pas plus l’Art que les animaux mythologiques. Marc Dubord joue avec les anachronismes, les juxtapositions scabreuses, les associations de malfaiteurs ou de bien-pensants. Il contrecolle en transparence le vent et la tempête, la chair et le goupillon, l’innocence et la fausse pudeur.
Quand on regarde les images de Marc Dubord, on se prend à baisser les yeux, parfois gêné par son regard voyeur, à la limite Grand-Guignol. Images captives de faits divers venant d’un entre monde, rémanences bizarres et dissonances chahutées viennent se faire entendre sur ces photos montées.
Naïf ou décalé, armé d’une lampe de poche et d’une palette graphique, Marc Dubord visite les souterrains de la conscience. Il éclaire l’ombre, ou assombrit les contrastes, depuis ce camp de base qu’il s’est installé pour vivre sur face cachée d’une lune de miel en sucre d’orge.
Quelques fois l’évidence vous saute aux yeux comme un loup-garou en plein jour : Marc Dubord n’est pas un photographe réaliste, c’est un compositeur. Il ne veut rien prouver, rien démontrer, rien révéler, non. Son mystère hiberne dans l’antre de l’être, là où se cache l’anima / animus qui est en nous.
Comme les cartes postales de conscrit ou comme les images pieuses, tantôt kitch et tantôt matures, tantôt cruels, tantôt grotesques ou hybrides, les portraits qu’il fabrique sont imprégnés d’une angoisse
existentielle profonde autant que d’un romantisme populaire façon Halloween.