Mon pote à 5 euros

Frédéric Bourcier

« Mon pote à cinq euros »

 » C’est un monsieur qui a eu un accident de la vie. Je ne sais pas lequel… sûrement l’alcool. Ce que je sais de façon certaine, c’est qu’il est pupille de la nation. Il n’a plus de papiers d’identité et refusait toutes aides d’associations caritatives. Il se souvient du jour de sa naissance, mais il est moins sûr de l’année.
C’est un monsieur qui est difficile à apprivoiser. En dépit de sa désocialisation, il a su garder et préserver une certaine dignité. Il refuse de faire la manche et propose systématiquement à la vente biscuits, chocolats ou calendriers… et repart la plupart du temps avec.
Il choisit ses vêtements ou ses chaussures avec la précision d’un homme d’affaires, toujours des chemises et des chaussures de ville, même si ses pieds en souffrent. Il continue de gérer sa vie comme il le faisait sûrement auparavant, quand il était commercial.
C’est un monsieur qui me raconte ce qu’il a envie de me dire ou ce dont il se souvient. Sa mémoire ? Elle lui fait souvent défaut. Quand mes questions sont trop intrusives, il se renferme et part dans des monologues incompréhensibles.
C’est un monsieur filou qui a inventé une drôle d’association caritative pour attendrir nos grands-mères à la retraite. Enfin, celles qui ouvrent leurs portes.
C’est un monsieur fragile qui a accepté de se laisser prendre en photo après de longues années de visites. Pour moi, relater nos conversations est une manière de maintenir un lien avec ce monsieur solitaire et digne. Peut-être aussi un devoir de mémoire par rapport à une vie de souffrance et de
solitude, qui s’envolera un jour sans faire de bruit…
C’est un monsieur qui se nomme Bernard G. C’est mon pote à cinq euros. C’est l’histoire de ses visites.
J’appréhende le jour où il ne viendra plus sonner à ma porte. »

Frédéric Bourcier revendique à travers sa démarche photographique une approche documentaire, profondément humaine des sujets auxquels il se consacre en France ou à l’étranger.
Frédéric Bourcier donne de son temps pour connaître et comprendre celles et ceux qu’il croise sur son chemin et c’est ce qui fait la richesse de ce photographe atypique.
Empathie et patience sont pour lui, les clés pour la photographie documentaire. S’apprivoiser mutuellement.
Il est l’auteur des livres, « Livre Échange », « Mon Pote à cinq euros » et « Kids ».

http://www.bourcier-artwork.com